Emmanuel Loi
Nous parlerons avec Samuel Autexier (éditions Quiero) et Emmanuel Loi (écrivain et critique d'art, auteur de plus d'une trentaine d'ouvrages en résidence à Reillanne) de Simone Debout et bien sûr de Sade et Fourier dont elle présente dans ce livre l'apport décisif et si mal entendu.
A travers l'écriture et le parcours singulier de ces trois figures, nous parlerons des passions au premier rang duquel (ielles) placent tous la passion amoureuse, mais aussi de politique avec une critique féroce de notre "civilisation", de philosophie et d'écriture…
(Réalisation : James Fontaine)
Présentation du livre Payer le mal à tempérament (sur Sade et Fourier)
Dans ce livre qui rassemble deux articles parus en 1981 dans la revue Topique, la philosophe Simone Debout revient sur l’apport décisif de la pensée de Donatien Alphonse François de Sade dans la construction du système imaginé par l’utopiste Charles Fourier : l’Harmonie. Dans une langue riche et précise, elle montre comment les deux penseurs en faisant la critique des « moralistes » des Lumières (et de la Révolution française !) ont pointé les limites et les dérives d’une civilisation, la nôtre, où le mouvement passionnel est entravé, suborné par le fétichisme de la marchandise. Dénonçant la misère de la fausse industrie et prônant les richesses partagées d’un nouveau monde amoureux, Fourier établit des plans à partir de sa découverte majeure des lois de l’attraction passionnelle.
« Les philosophes, écrit Fourier, disent que les passions sont trop vives, trop bouillantes ; à la vérité elles sont faibles et languissantes. Ne voit-on pas en tous lieux la masse des hommes endurer sans résistance la persécution de quelques maîtres et le despotisme des préjugés ? » Étonné comme La Boétie par l’endurance des foules soumises aux maîtres et aux préjugés, il en désigne la cause : « Leurs passions sont trop faibles pour comporter l’audace du désespoir ; c’est pourquoi le grand nombre est toujours victime du petit nombre qui emploie la ruse pour maîtriser la force ». Contrairement au divin marquis, Fourier ne concentre pas leur puissance en une seule direction. Il ne retourne pas le désir sur lui-même. Il multiplie les divers élans les uns par les autres : centrant tout sur le sentiment le plus puissant de tous, l’amour, « pivot de société ». Il se rattache lui aussi à la tradition chrétienne mais au contraire de Sade, il ne cherche pas à détruire les illusions, il veut — déjà — les réaliser, reprendre leur bien à la religion et à la morale, transférer l’amour et l’énigmatique exigence du ciel ou de l’idéal sur la terre. Pas du tout incapable de penser la violence, « l’audace du désespoir », il vise aussi résolument à en sortir que Sade à s’y enfoncer, à l’aggraver.
Emmanuel Loi qui a débusqué ce texte de Simone Debout fait les présentations : « Pour elle, faire corps, prendre la parole et la plume, consiste à agrandir la brèche. Les idées ne tombent pas du ciel ; présupposés et résistances font partie du lot. À la croisée de trois disciplines anthropologie, philosophie et psychanalyse, Simone Debout parvient à orchestrer et à souligner les lignes de force d’un fantastique carambolage linguistique et idéologique. »
Paru aux éditions Quiero à Forcalquier en janvier 2022, 100 pages au format 16x22 cm - 20 euros.
A travers l'écriture et le parcours singulier de ces trois figures, nous parlerons des passions au premier rang duquel (ielles) placent tous la passion amoureuse, mais aussi de politique avec une critique féroce de notre "civilisation", de philosophie et d'écriture…
(Réalisation : James Fontaine)
Présentation du livre Payer le mal à tempérament (sur Sade et Fourier)
Dans ce livre qui rassemble deux articles parus en 1981 dans la revue Topique, la philosophe Simone Debout revient sur l’apport décisif de la pensée de Donatien Alphonse François de Sade dans la construction du système imaginé par l’utopiste Charles Fourier : l’Harmonie. Dans une langue riche et précise, elle montre comment les deux penseurs en faisant la critique des « moralistes » des Lumières (et de la Révolution française !) ont pointé les limites et les dérives d’une civilisation, la nôtre, où le mouvement passionnel est entravé, suborné par le fétichisme de la marchandise. Dénonçant la misère de la fausse industrie et prônant les richesses partagées d’un nouveau monde amoureux, Fourier établit des plans à partir de sa découverte majeure des lois de l’attraction passionnelle.
« Les philosophes, écrit Fourier, disent que les passions sont trop vives, trop bouillantes ; à la vérité elles sont faibles et languissantes. Ne voit-on pas en tous lieux la masse des hommes endurer sans résistance la persécution de quelques maîtres et le despotisme des préjugés ? » Étonné comme La Boétie par l’endurance des foules soumises aux maîtres et aux préjugés, il en désigne la cause : « Leurs passions sont trop faibles pour comporter l’audace du désespoir ; c’est pourquoi le grand nombre est toujours victime du petit nombre qui emploie la ruse pour maîtriser la force ». Contrairement au divin marquis, Fourier ne concentre pas leur puissance en une seule direction. Il ne retourne pas le désir sur lui-même. Il multiplie les divers élans les uns par les autres : centrant tout sur le sentiment le plus puissant de tous, l’amour, « pivot de société ». Il se rattache lui aussi à la tradition chrétienne mais au contraire de Sade, il ne cherche pas à détruire les illusions, il veut — déjà — les réaliser, reprendre leur bien à la religion et à la morale, transférer l’amour et l’énigmatique exigence du ciel ou de l’idéal sur la terre. Pas du tout incapable de penser la violence, « l’audace du désespoir », il vise aussi résolument à en sortir que Sade à s’y enfoncer, à l’aggraver.
Emmanuel Loi qui a débusqué ce texte de Simone Debout fait les présentations : « Pour elle, faire corps, prendre la parole et la plume, consiste à agrandir la brèche. Les idées ne tombent pas du ciel ; présupposés et résistances font partie du lot. À la croisée de trois disciplines anthropologie, philosophie et psychanalyse, Simone Debout parvient à orchestrer et à souligner les lignes de force d’un fantastique carambolage linguistique et idéologique. »
Paru aux éditions Quiero à Forcalquier en janvier 2022, 100 pages au format 16x22 cm - 20 euros.
Samuel Autexier